Titre : | Cour eur. D.H. (2e sect.) n° 16760/22, 16849/22, 16850/22, 16857/22, 16860/22, 16864/22, 16869/22, 16877/22, 16881/22, 13 février 2024 (Executief van de Moslims van België e.a. / Belgique) (2024) |
Article de revue | |
Dans : | Aménagement et environnement (2024 / 4, Octobre - Novembre - Décembre 2024) |
Langues : | Français |
Catégories : |
[Commission] A32. Bien-être animal [Thésaurus Classification] PS 258 Bien-être animal [Thésaurus Classification] BY 616 Rites, croyances, religions |
Résumé : |
Les requêtes concernent l’interdiction de l’abattage rituel d’animaux sans étourdissement préalable dans les Régions flamande et wallonne et qui constituerait, selon les requérants, une violation des articles 9 et 14 CEDH.
L’ingérence est expressément prévue par des normes législatives, à savoir, respectivement, l’article 15 du décret du Parlement flamand du 7 juillet 2017 « portant modification de la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, en ce qui concerne les méthodes autorisées pour l’abattage des animaux » pour la Région flamande et l’article D.57, § 1er du Code wallon du bien-être des animaux pour la Région wallonne. Les requérants ne contestent pas que ces dispositions remplissent les critères d’accessibilité et de prévisibilité établis par la jurisprudence de la Cour relative à l’article 9 § 2 de la Convention. La Cour ne voit pas de raison d’en décider autrement. La protection de la morale publique, à laquelle se réfère l’article 9, § 2 de la CEDH, ne peut être comprise comme visant uniquement la protection de la dignité humaine dans les relations entre personnes. La Cour peut tenir compte de l’importance croissante attachée à la protection du bien-être animal, y compris lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, d’examiner la légitimité du but poursuivi par une restriction au droit à la liberté de manifester sa religion. La protection du bien-être animal peut être rattachée à la notion de « morale publique », ce qui constitue un but légitime au sens du paragraphe 2 de l’article 9 de la CEDH. En ce qui concerne la nécessité des mesures litigieuses dans une société démocratique, la Cour conclut qu’en adoptant les décrets litigieux qui ont eu pour effet d’interdire l’abattage des animaux sans étourdissement préalable dans les Régions flamande et wallonne, tout en prévoyant un étourdissement réversible pour l’abattage rituel, les autorités nationales n’ont pas outrepassé la marge d’appréciation dont elles disposaient en l’espèce. Elles ont pris une mesure qui est justifiée dans son principe et qui peut passer pour proportionnée au but poursuivi, à savoir la protection du bien-être animal en tant qu’élément de la « morale publique ». Partant, il n’y a pas eu violation de l’article 9 de la Convention. Il n’y pas non plus eu violation de l’article 14 CEDH (combiné avec l’article 9 CEDH). Seules les différences de traitement fondées sur une caractéristique identifiable (« situation ») sont susceptibles de revêtir un caractère discriminatoire au sens de l’article 14 CEDH. Une différence de traitement fondée sur un motif prohibé est discriminatoire si elle manque de justification objective et raisonnable, c’est-à-dire si elle ne poursuit pas un but légitime ou s’il n’y a pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. La Cour examine les situations suivantes: la situation des requérants en tant que pratiquants juifs et musulmans comparée à celle des chasseurs et des pêcheurs; la situation des requérants en tant que pratiquants juifs et musulmans comparée à celle du reste de la population et la situation des requérants, pratiquants juifs, par rapport aux pratiquants musulmans. Dès lors que les requérants ne se trouvent pas dans une situation analogue ou comparable à celle des chasseurs et des pêcheurs, il n’y a pas lieu de rechercher si la différence de traitement litigieuse repose sur une justification objective et raisonnable. Les pratiquants juifs et musulmans ne sont pas traités de la même manière que les personnes qui ne sont pas soumises à des préceptes alimentaires religieux. Les décrets litigieux prévoient précisément une méthode d’étourdissement alternative lorsque la mise à mort fait l’objet de méthodes particulières d’abattage prescrites par des rites religieux : les décrets disposent que le procédé d’étourdissement est alors réversible et ne peut entraîner la mort de l’animal. En l’espèce, il n’est donc pas question d’une absence de distinction dans la façon dont des situations différentes sont traitées. Enfin, en ce qui concerne la situation des pratiquants juifs comparée à celle des pratiquants musulmans, il ne sied pas à la Cour, en tant que juridiction internationale, de se prononcer sur le contenu des préceptes alimentaires en matière religieuse, à plus forte raison lorsque ceux-ci sont discutés. En tout état de cause, la Cour estime, à l’instar de la Cour constitutionnelle, que la seule circonstance que les préceptes alimentaires de la communauté religieuse juive et ceux de la communauté religieuse musulmane sont de nature différente ne suffit pas pour considérer que les croyants juifs et les croyants musulmans se trouvent dans des situations sensiblement différentes par rapport à la mesure litigieuse au regard de la liberté religieuse. Les situations dénoncées ne pouvant être considérées comme sensiblement différentes, il n’y a pas lieu de rechercher si l’absence de différence litigieuse reposait sur une justification objective et raisonnable. |
Note de contenu : | Liberté de religion (article 9 de la Convention) – Bien-être animal – Restrictions aux modes d’abattage rituel – Intérêt à agir – Proportionnalité – Interdiction des discriminations (article 14) |
Domaines de compétence : | Égalité des chances et des droits des femmes/Environnement et énergie |
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